lundi 27 avril 2015

L'invitation au voyage



De Baudelaire, qui fréquentait jadis l’église Saint-Loup (Namur), à nos jours, le voyage s'est transformé. L'ailleurs n'incarne plus une promesse de conquête de l'inconnu mais une perspective de découverte de soi. Comme si l'individu, débarrassé de sa routine, de son quotidien et de son environnement habituel, parcourait la planète pour faire face à son être. Plus encore, comme si, d'un bout à l'autre du monde, les découvertes et les savoirs censés s'accumuler, selon un rapport proportionnel, au même rythme que les kilomètres, transformait petit à petit sa nature intime.

 
Pourtant le voyage, selon Baudelaire, dont l'invitation est irréalisée et irréalisable, prend toute sa valeur dans le registre du rêve. C'est une illusion que le poète convoque pour s'échapper de la réalité. Plus qu'un attrait pour le lointain et l'exotique, Baudelaire exprime une invitation à rêver, imaginer et à ouvrir les yeux. Il en va de même pour les artistes rassemblés dans cette exposition, pour qui le voyage, qu'il soit lointain, proche ou imaginaire, prend un sens d'ouverture et de partage, mais aussi de reconstruction du monde.
Au-delà du pays idéal décrit par Baudelaire où tout n’est qu’ « ordre et beauté/ luxe, calme et volupté », l’exposition invite à un voyage personnel, poétique et peut-être initiatique.
 
Pascale Marthine Tayou - Colonne Pascale
 
Kendell Geers - Typhonic beast
Charley Case
Certains artistes ont le voyage inscrit dans leurs parcours individuels. Artiste d'origine camerounaise, Pascale Marthine Tayou s'intéresse à l'hybridation des formes et à leur circulation en dépit des frontières ainsi qu'au paradoxe de la culture globale comme accumulation ou synthèse. Kendell Geers, de nationalité sud-africaine, s'approprie des icônes de l'histoire de l'art occidentale en les détournant. Chez d'autres, comme chez ces derniers, le voyage correspond à une pratique réelle. Charley Case se définit principalement comme un voyageur : il utilise les moyens qui lui sont à disposition pour partager ce qui lui a plu au cours de ses pérégrinations. Dans cette optique, les techniques importent moins que ce qui est raconté. Esteban Moulin poétise les tracés de vols d’un planeur. Karen Vermeren s'intéresse aux transformations des paysages qu'elle visite et par cet intermédiaire, questionne la place de l'homme au sein de son environnement. Pour d'autres enfin, le voyage tient lieu de métaphore, que celle-ci désigne la mort (Baudelaire fit à Saint-Loup une attaque cardiaque qui le laissa aphasique), dans l'installation de Leo Copers ou l'évolution de l'homme, dans les œuvres d'Elodie Wysocki. Le travail de Ronny Delrue évoque, lui, la polysémie du globe et, en la détournant, la notion de voyage.
Dans le cadre de Mons 2015, capitale culturelle européenne, et de l’événement « Facing Time Rops/Fabre », l’église Saint-Loup accueille également trois sculptures de Jan Fabre issues de la série « Chalcosoma »: trois scarabées sacrés qui défient le temps.

Leo Copers - Urne (AEEILMNORT)


Ronny Delrue - Bombchildren



 Karen Vermeren
 
Elodie Wysocki - Darwinette

Esteban Moulin


 
Eglise Saint-Loup
Rue du Collège - Namur
Exposition du 8 au 24 mai 2015
Me-Je : 13 >19 h
Ve à Di : 11 > 19 h

jeudi 9 avril 2015

Intégration urbaine d'Alice Janne

Lieux-Communs axe son attention sur l’art urbain et insère dans la ville des peintures murales, des interventions artistiques, des œuvres  permanentes, reflets de la création contemporaine nationale et internationale.
Depuis 2012, trois œuvres ont été réalisées et sont les bases d’un maillage artistique contemporain de la ville de Namur au quotidien.
L’artiste polonaise Ania Zuber a peint une fresque en face de la Bibliothèque de la Ville de Namur et à l’entrée du Jardin du Maïeur. Dans cette réalisation, le mur a été conçu comme une paroi de verre permettant de redécouvrir, d’un point précis, deux arbres dans leur intégralité.
Une deuxième peinture murale a été réalisée à Salzinnes. Originaire de Serbie, l’artiste Gala Caki s’est basée sur sa vision des paysages urbains, de l’architecture namuroise et de la Citadelle de Namur. 
Une troisième réalisation de Karen Vermeren s’intègre à l’entrée de la salle de spectacle du Forum.  


Alice Janne ( photo de A. De Pierpont)
Pour cette quatrième intégration artistique urbaine, l’asbl Lieux-Communs a fait appel à l’artiste Alice Janne dont ce sera la première réalisation permanente en extérieur.

Alice Janne - Fresque à Namur
 
Née à Namur, diplômée de l’ERG (Bruxelles), cette jeune artiste a notamment obtenu le prix du public d’Arts Libre.
Le choix de l’emplacement s’est rapidement porté sur un espace proche du Beffroi. Ce lieu de grand passage était idéal car situé au croisement de la galerie commerçante d’Harscamp, du porche qui donne sur la rue Emile Cuvelier et de la Place d’Armes
La Galerie du Beffroi, gérée depuis peu par la Ville de Namur et où Lieux-Communs vient de présenter l’exposition « Le fruit défendu - 9 artistes contemporains autour d’Evelyne Axell » est également appelée à se renforcer comme lieu d’attractivité culturelle. Le Beffroi est le seul et unique monument de Namur classé au Patrimoine Unesco.
« Pour le moment, la façade choisie est borgne et toutes les fenêtres sont occultées par des panneaux blancs. Cela donne un caractère un peu sinistre à cette ruelle qui pourrait être plus joyeuse, d’où notre idée de réaliser cette fresque à cet endroit-là. Il y a des bancs juste à côté et en face, cela donnerait un sentiment plus intime, chaleureux et plus culturel à cette impasse, et apporterait une dimension vivante à cet espace. Je vais composer un univers avec l’architecture des fenêtres et des portes, en jouant avec divers motifs colorés basés sur mes archives de papiers et objets récoltés par terre. »  Alice Janne
Depuis 2008, Alice Janne ramasse des petits papiers ou objets dans la rue. Elle les archive et ils constituent sa base de données picturale et sculpturale. Chaque objet reçoit un numéro et un nom. Ils sont mesurés, classifiés par couleur (unis, multicolores, avec typographie) et scannés.
L’artiste explique :«  Ces objets me font signe, cette attirance n’est pas réfléchie, ni maitrisée ça s’est imposé à moi. J’ai autant été surprise par ces objets que par mon intérêt pour eux. Ce sont leur(s) couleur(s), leur(s) forme(s) ou leur(s) typographie(s) qui déterminent le choix de la récolte, ce n’est pas aléatoire mais cela n’est pas régulier non plus. Il faut qu’ils me touchent à un certain moment ».
       En observant le sol, on découvre l’illisibilité du monde, ses contradictions, son chaos, son refoulé... C’est un moyen de voir l’évolution de la société par ses traces, de l’industrie par ce qu’elle rejette.
 
« Si d’un point de vue esthétique, par le plaisir de la couleur, on a tendance à associer ma démarche au pop art, elle en diffère car son origine est la fin du circuit de consommation. Ce sont les restes qui m’intéressent, ce qui est laissé, ce qu’on ne considère pas. Il est certain qu’il y a un côté séduisant dans ces aplats de couleurs vives, mais c’est justement la dualité et l’opposition qu’il y a entre cette dimension de séduction et la crasse apparente de ces déchets qui est à l’origine de ma démarche. C’est peut-être d’ailleurs ça que je peins en plus d’eux: cet étonnement que j’ai de les trouver beaux. S’agit-il d’une sorte de transmutation ? »
     Le processus a une place très importante dans le travail d’Alice Janne . Il y a différentes étapes dans sa recherche: récolte, archivage, agrandissement en peinture, mise en espace. L’installation en est une partie intégrante, le jeu d’associations de couleurs et de formes, créer un univers ludique voire peut-être joyeusement critique (à quoi ressembleraient les rues si les déchets prenaient autant de place ?). Généralement, la composition finale se fait au dernier moment, en fonction de l’espace disponible : « J’observe le lieu et puis je joue avec ces formes de couleur et le vide du mur et/ou du sol pour trouver un équilibre, une structure. C’est l’expression d’une sorte d’archéologie du présent, et par ce biais, l’art s’inscrit dans le quotidien et évoque notre société ».
Pour ce projet, Lieux-Communs a souhaité s’associer à l’asbl Gau qui poursuit également l’objectif de mise en valeur, de développement  et de dynamisation du centre urbain de Namur.